PORTO-PARIS
« Je sais que j’ai été très marqué par la lumière du Portugal l’été, les couleurs des parasols, des azulejos flamboyants qui recouvraient les maisons et également la beauté de ses bâtisses baroques et de ces grands magasins, petits théâtres aux boiseries vieillies et au charme suranné… Les étés de mon enfance se déroulent avec mon grand frère, ma grande sœur et mes parents à Porto et ses plages à la chaleur presque anesthésiante ravivée par la violence d’un Atlantique indomptable….
Nostalgie joyeuse. Je revois ces images aujourd’hui comme de vieux polaroids usés, retrouvées en mémoire par une odeur, une couleur, un vêtement parfois. Adolescent je lisais Hervé Guibert sur ces plages. Dans l’insouciance de ma jeunesse mais déjà avec la volonté de créer ma propre trajectoire. »
PASSION PRIVÉE
« J’ai toujours été attiré par la mode, et par les créateurs de mode.
J’ai commencé par collectionner des vêtements il y a quinze ans, il s’agissait de pièces d’André Courrèges et de Pierre Cardin. J’étais très attiré par les années soixante et soixante-dix, cette vision fantasmée du futur, de la science-fiction, cette imagerie de la mode véhiculée par Françoise Hardy, Emma Peel, Barbarella, des héroïnes qui pour moi correspondaient à un modèle esthétique, celui de l’amazone guerrière, libre. Je pense aussi aux magasins Prisunic et leurs sacs en forme de cible.
« J’ai basculé vers Yves Saint Laurent, la collection russe et la collection chinoise m’ont particulièrement marqué. Ce raffinement, cette extrême sensibilité, ce goût pour les voyages, m’ont amené à collectionner encore. La femme Grace Jones sculpturale d’Azzedine Alaïa n’a rien à voir avec Catherine Deneuve en smoking, et pourtant ces deux couturiers ont créé chacun quelque chose qui n’existait pas. A l’époque, on consommait de la mode, on ne la collectionnait pas. C’est ainsi que j’ai commencé à créer des ponts entre des mondes très différents. Dans les couleurs d’Yves Saint Laurent, je retrouve la lumière de mon enfance. Dans les coupes de Pierre Cardin ou d’André Courrèges, je retrouve cette fascination pour les années soixante, ce futur sans ombre qu’incarnaient toutes les héroïnes des séries télévisées. »
3 RUE PAUL DUBOIS, 75003
« Enfant, nous passions tous nos étés à Porto. J’ai ce souvenir de balades dans ces grands magasins avec beaucoup de stucs et de boiseries, ces escaliers monumentaux, des boutiques surannées qui avaient ce rapport au service et à la clientèle qui n’existent plus aujourd’hui. Je me souviens de ces odeurs de poudre de riz et de savonnettes. On y allait pour se faire plaisir. J’avais envie de revenir à un service personnalisé, tout en recréant l’atmosphère d’un club privé. Il y a dans Plaisir Palace, une dimension à la fois intime et festive. Cette boutique, c’est une playlist en 3D. Il n’y a pas de mannequin, pas de photographie de mode. Ce sont des objets presque sculpturaux à porter, qui ont été portés, conservés. Ce que j’aime c’est leur donner un second souffle dans une époque qui n’est plus la même.
J’ai choisi d’aménager Plaisir Palace comme un petit éden néo pop, avec ce miroir ultra Fragola d’Ettore Sottssas flottant devant ce rideau Kvadrat, cette banquette Kwok Hoï Chan qui rappelle les assises des discothèques. On vient ici pour regarder, choisir, discuter, partager aussi ses coups de cœur. C’est un projet qui coule de source. Ma plus grande joie est de donner une seconde vie aux objets chargés de leur propre histoire. »
« Ce qui me fait plaisir, c’est de voir que ces vêtements trouvent une nouvelle propriétaire. Je suis attiré par les couleurs, et de Chacok à Juan les Pins, aux roses d’Yves Saint Laurent, en passant par l’art du modelage d’Azzedine Alaïa, le point commun de tous ces vêtements, c’est le Sud. Chaque vêtement correspond certes à une histoire de la mode, mais à une histoire tout court. Les gens sont dans ce besoin d’un moment hors du temps, et en même temps marqué par une présence. En quoi une blouse Saint Laurent, un blouson Courrèges, une veste Thierry Mugler, une robe Alaïa, peuvent intéresser une fille de vingt ans, voilà les questions qui me taraudent. La qualité d’exécution, tant au niveau de la coupe, que du tissu, mais aussi du point de vue, les rendent remarquables. »
Didier Barroso - Entretien réalisé par Laurence Benaïm